voici mon témoignage : c'est le message que j'avais envoyé à mes proches pour les tenir au courant (écrit donc de l'hôpital avec toutes les émotions du moment !) :
Bonjour à toutes et à tous,
En direct de l'hôpital des enfants 2ème étage hospitalisation chirurgicale C2 chambre 17, je vous donne des nouvelles de Félix (et de ses parents) en 2 versions, selon les détails que vous souhaitez.
1/ Version courte :
Félix a été opéré hier à 14h. Nous avons pu le rejoindre en salle de réveil vers 17h. Tout s'est très bien passé, mais le chirurgien n'a pu recoudre qu'un côté (pour ne pas prendre le risque que les tissus ne tiennent pas). Il faudra qu'on revienne dans 3 semaines pour une 2ème opération pour fermer l'autre côté. Félix se remet bien et recommence à boire du lait (à la seringue, il n'a pas encore droit de téter) depuis ce matin. Et nous, on est fatigués, heureux que tout aille bien, mais quand même très déçus de devoir revenir pour une autre opération très vite. Et on s'habitue à ce nouveau Félix, toujours le même, mais avec une nouvelle petite bouille, et on le trouve toujours très beau. A priori, les points seront retirés mercredi et on pourra sortir jeudi ou vendredi si tout se passe bien.
Bises à tous et merci pour votre soutien,
Ninon, Diego et Félix.
2/ Version longue :
On est arrivé jeudi, persuadés d'avoir la super chambre qu'on avait il y a 2 semaines en secteur néonat', mais dès notre arrivée on a vu que ça clochait... On a du attendre dans le sas d'entrée pendant pas mal de temps (le temps de perdre nos illusions) avec toutes nos valises, en essayant de se faire tout petit dès que des personnes passaient. Heureusement, Félix dormait paisiblement dans l'écharpe contre son papa pendant que Diego et moi commencions à stresser... Donc nous n'étions pas prévus pour néonat' et il n'y avait pas de chambre parents-enfants disponibles, mais ils nous ont dit qu'ils pouvaient quand même faire une place à Félix. On a dit qu'il était hors de question que Félix reste là sans nous. Alors on nous a dit qu'on pouvait avoir une chambre en chirurgie.
On nous a accompagnés au 2ème en chirurgie, et là, on n'était pas prévus non plus, alors on a du attendre dans le couloir. J'ai quand même pu tirer mon lait dans la salle de pause du personnel où Félix et Diego m'ont rejointe quelque temps après, le temps qu'on nous prépare une chambre. Puis on a pu s'installer dans notre chambre (peu pratique pour un bébé mais on a réaménagé à notre sauce) et comprendre peu à peu le fonctionnement du service.
Un avantage d'être en chirurgie, c'est qu'on est au 2ème et qu'on voit la lumière du jour. Un inconvénient, c'est qu'on ne peut pas y dormir tous les 3 : seul un parent peut rester la nuit (malgré nos tentatives d'yeux doux et de négociations).
Bref, une arrivée pleine de déceptions pour nous, mais heureusement on est adaptables;-)
Félix a le plus beau lit de l'hôpital : un tout petit lit à barreaux jaunes (lit à hauteur de soins, sur roulettes, et avec les côtés qui peuvent se baisser), il est bien dedans et les brancardiers pédestres (oui oui, on appelle comme ça ceux qui emmènent les enfants d'un secteur à un autre de l'hôpital toute la journée) sont fans de ce petit lit très maniable dans les couloirs et ascenseurs.
La soirée est tranquille, on s'installe, on apprend comment marche le service, on rencontre l'anesthésiste qui nous donne l'heure de l'opération (14h) et les consignes de jeûne (plus rien à partir de 10h), on donne un bain pré-opératoire à Félix. Je fais la 1ère nuit (mon tire lait m'ayant lâchée juste avant de partir à l'hôpital, je n'ai pas le choix sous peine d'exploser!) auprès de ce coquin de Félix qui choisit de ne pas dormir de 3 à 6h du matin en réclamant mes bras et mes câlins.
… et le jour J arrive... et le stress monte petit à petit (vive gelsémium et ignatia!)... Un autre bain pré opératoire, un passage éclair du chirurgien, un passage chez la kiné qui fabrique à Félix des tous petits manchons sur mesure (pour l'empêcher d'arracher ses points après l'opération), une tétée plutôt bien calculée à 9h30 (sauf qu'on n'a pas demandé suffisamment de mL et quand on en demande un petit rab » à 9h50, l'infirmière ne veut plus... grrrr !). On se relaie pour aller manger au self du personnel (bien meilleur que les plateaux repas servis en chambre) en se faisant mal au ventre tellement on mange vite vite vite de peur de rater le départ de Félix au bloc. L'heure tourne et Félix commence à avoir très faim, alors on se relaie pour le faire patienter en le portant, en le berçant, en chantant, en lui faisant téter nos petits doigts...
… Et le moment tant redouté arrive : Félix est attendu au bloc. Diego l'accompagne jusqu'à la porte et trouve sa blague du jour : « Félix, il est à bloc ! ».
Et Diego me rejoint, et c'est la dure épreuve de l'attente...
Pour l'occasion, on s'offre un café et une clope (tant pis, je jetterai le lait tiré ensuite), on va au kiosque à journaux juste pour regarder les titres, et oh surprise : on tombe sur une copine des éclés ! C'est chouette de la voir et elle nous change bien les idées... mais l'heure tourne quand même et je commence à penser au temps où je n'aurais plus d'ongles et où je me mangerais les dents... On retourne dans la chambre et on s'abrutit devant des jeux télévisés : pas mal des chiffres et des lettres pour faire le vide. Diego se débrouille bien en chiffres et moi en lettres : belle caricature sexiste !!
et l'heure tourne tourne tourne, et la boule au vendre grossit grossit...
et enfin vers 17h on vient nous chercher. Diego descend en salle de réveil. Moi, je continue à regarder des jeux bien plus pourris que les chiffres et les lettres. Puis on me dit que je peux y aller moi aussi ! Chouette : en fin de journée, il y a moins de monde en salle de réveil et ils acceptent que les 2 parents soient présents. Je descends à toute allure et mon cœur bat fort fort fort. Interphone, chaussons aseptisés, savon sans savon sur les mains, une question à l'infirmière qui m'accueille : « a-t-il pu recoudre les 2 côtés ? » La réponse est non. J'avale ma salive, respire un grand coup et je rejoins Félix et Diego.
Qu'est-ce qu'il est beau mon Félix ! Il est tout changé. C'est impressionnant car il a des fils partout (perfusion, « scope », oxygène, tensiomètre), la bouche pleine de sang, la joue enflée et ses manchons. Mais qu'est-ce qu'il est beau. Y a plein d'émotions, plein, un peu trop. Diego part prendre l'air maintenant que je suis là. Moi, je tente de me rappeler les techniques de respiration de l'accouchement pour me détendre, j'ai les larmes aux yeux, je me lasse pas de regarder le nouveau profil de Félix. C'est en même temps le même et en même temps il est tout changé. Il a la voix complètement cassée tellement il a pleuré et ça me fend le cœur, mais la musique douce qu'ils ont mise juste à côté de lui et mes caresses et paroles l'apaisent... Diego revient, et au bout d'un long moment on retourne en chambre.
On est déçus, très déçus que le chirurgien n'ait pu recoudre qu'un côté. On sait qu'on devra revenir dans 3 semaines pour la même chose, et qu'il y aura très certainement une autre opération pour symétriser les lèvres, sans compter l'opération du palais à 6 mois, et les autres qui s'ajouteront...
Félix dort avec tous ses fils. On n'ose pas trop le toucher, on n'ose pas le prendre dans nos bras, on se sent pas mal démunis. C'est Félix mais en même temps, il a l'air tout fragile, tout douloureux et sa voix cassée nous fend le cœur.
Diego part vers 21h30. Et Félix se réveille. Il pleure, il hurle, il a l'air d'avoir mal. Et moi, je ne sais pas quoi faire : je ne peux pas le faire téter, je ne peux pas lui donner mon petit doigt, je ne peux pas le prendre dans mes bras... Je lui caresse la tête, je lui parle, j'essaie de lui chanter des chansons. Mais rien ne le calme, c'est dur de ne rien pouvoir faire pour l'aider, pour qu'il aille mieux. Quand Félix se calme, ce sont les machines qui bippent, ce qui énerve Félix qui recommence à hurler. Heureusement, l'équipe de nuit est super et m'aide, me réconforte, me relaie. Vers minuit, Félix arrive enfin à s'apaiser. Il ouvre les yeux pour la 1ère fois depuis son réveil. Je le retrouve enfin, mais j'ai l'impression de voir plein de reproches dans ses yeux, c'est dur. Puis il s'endort et les machines arrêtent peu à peu de s'affoler suite à l'apaisement de Félix.
Une nuit relativement calme, avec un réveil à 2h30 et un à 5h30, mais Félix s'apaise et se rendort assez rapidement. Diego arrive tôt et prend le relais. Qu'est-ce que c'est bien de pouvoir être 2 !!!!
Aujourd'hui, on retrouve de plus en plus notre Félix. On arrive à jongler avec les fils pour le prendre dans les bras et le câliner, il a de longues périodes éveillées où il nous regarde, il retrouve ses petits cris et ses petite mimiques qu'on connaissait. Et puis, depuis ce matin, Félix peut reboire du lait. Pas au biberon ni au sein, il n'a pas encore le droit pour ne pas abîmer ses points, mais à la seringue, et déjà, ça lui fait énormément de bien et du coup ça nous fait aussi énormément de bien de le voir s'apaiser. Et il mange très bien, à peu près les mêmes doses qu'avant l'opération, ce qui impressionne les infirmiers. Il est vraiment trop fort, notre Félix !!
Ce soir, c'est moi qui découche. C'est assez nécessaire car la fatigue me rend de plus en plus imbuvable (pauvre Diego). Mais ça va être bizarre de passer une nuit loin de Félix !
Là, Félix ronfle dans son petit lit, paisiblement. Diego vient de faire des courses pour compléter le repas d'hôpital pas bon que nous partageons. Moi, je viens de vous faire le roman indigeste de nos aventures hospitalières. Bref, nous allons bien tous les 3.
On pense fort à vous et on vous remercie pour vos messages et pensées de soutien qui nous font du bien.
On vous embrasse tous et spécialement Marin, notre grand qui nous manque fort et qu'on a hâte de retrouver !
Ninon, Diego et Félix.